La rafle

Point final d’un processus de persécution

La rafle du 10 janvier 1944

Le 11 janvier 1944, l’intendant régional de police envoie son rapport à  Monsieur le PREFET REGIONAL . Le document que nous avons consulté aux archives, indique que dans l’agglomération bordelaise, sur une liste de 202 juifs à arrêter, la police en a interpellés 135 et 67 sont non découverts. A Arcachon, 12 ont été arrêtés sur un nombre de 72 et 2 conduits à l’hôpital, dont Maurice Lang, mutilé de la guerre de 14-18, qui à l’arrivée de la police, a tenté de se suicider. Dans le reste de la Gironde, c’est aussi la gendarmerie qui a procédé aux arrestations. Elle a arrêté 81 personnes, sur une liste de 201. 111 n’étaient pas au domicile, 7, malades, dont 4 hospitalisées et 2 personnes décédées.

Alors que lors des précédentes interpellations, les juifs étaient incarcérés au camp de Mérignac, ce soir là, tous les juifs ont été conduits à la Synagogue de Bordeaux. Pour la première fois en France, une synagogue servait de prison. Dans le rapport, l’intendant régional de police, fait preuve d’un profond cynisme, soulignant que  les détenus se sont montrés très sensibles à l’attitude parfaite des Autorités et du personnel français à leur égard.

Le soir même et les jours suivants, les divers commissariats chargés des arrestations, font remonter à l’intendance de police, les listes des juifs qui n’ont pu être arrêtés, accompagnée des motifs de non-arrestation.

Les instructions

Ce sont les autorités allemandes qui donnent les instructions à la préfecture régionale. Nous les avons trouvées dans les archives et elles sont très précises, développant 11 points:
L’action doit commencer à 20 heures et il est demandé d’arrêter tous les juifs restant encore, sans considération d’âge, mis à part les personnes malades.
Tout est noté à propos des logements, des bagages à prendre, du train spécial qui amènera les gens deux jours plus tard, le mercredi 12 à Drancy et du lieu d’enfermement à la Synagogue de Bordeaux ou la Caserne Boudet.

La mise en place de la persécution en Gironde

Nous avons trouvé dans les archives de la Gironde des documents officiels du commandement et de l’autorité administrative allemands et de l’administration française, qui montrent que la mise à l’écart et la persécution contre les juifs se met en place dès 1940, pour aboutir aux arrestations et aux rafles, dont la première pour la Gironde a lieu dans la nuit du 15 au 16 juillet 1942.

Le recensement

Nous avons trouvé dans les archives des documents qui montrent que les autorités allemandes en France et le gouvernement de Vichy ont mis les Juifs et les ont persécutés, dès l’année 1940:

  • Les ordonnances allemandes du 27 septembre 1940 définissent qui est considéré comme juif et du 7 au 18 octobre 1940 est effectué  un recensement des juifs est où apposé un timbre rouge portant le mot juif  et un recensement des entreprises juives.
  • Une lettre du 20 novembre 1940 où la Feldkommandantur demande la nomination de trois fonctionnaires spécialistes pour appliquer les ordonnances précédentes : un représentant de la préfecture, un représentant de la Chambre de Commerce et un représentant du Maire de Bordeaux.
  • Une lettre de la Feldkommandantur 529 (située rue de Budos, citée universitaire à Bordeaux), exprime l’intention de transférer dans des mains aryennes (…) la totalité des entreprises juives. Et nous avons trouvé des demandes d’enquêtes et des rapports sur des entreprises juives, par exemple celui sur l’entreprise Bordeaux-Couture en date du 17 juin 1941.

L’interdiction d’exercer certaines professions

Dans une lettre au préfet de la Gironde datée du 4 août 1941, le Directeur Régional de la Famille et de la Santé, fait savoir qu’il a reçu réponse du Commissaire Général aux questions juives concernant le statut des médecins, chirurgiens, spécialistes juifs des hôpitaux. Il y est dit que ceux-ci, même si ils ne sont pas fonctionnaires, sont chargés d’une fonction publique visée par l’article 3 de la loi du 3 octobre 1940 portant statut des juifs. Ils doivent donc cesser d’exercer.

Autre illustration de ces interdictions, Benjamin Bial de Bellerade, interpellé le 10 janvier 1944, s’était vu relevé de ses fonctions de chef de section des Poids et mesures à la Ville de Bordeaux (courrier du Service des Questions Juives de la Préfecture de Bordeaux en juillet 1942).

Ne plus pouvoir se déplacer librement

Dans les dossiers de plusieurs familles, nous avons trouvé des échanges de courriers à propos de demandes d’autorisation de déplacements. Car depuis l’Ordonnance allemande du 7 février 1942, il est interdit aux Juifs d’être hors de leur appartement entre 20 heures et 6 heures du matin et ils ne peuvent plus déménager.

Le port obligatoire de l’étoile

Suite à l’ordonnance du 28 mai 1942 relative au port obligatoire de l’insigne, les juifs de Gironde doivent venir retirer trois étoiles. Les listes des juifs recensés, sont éditées pour chaque ville, afin qu’ils viennent les retirer et apposent leur signature reconnaissant qu’ils ont pris connaissance de l’obligation de ne pas paraitre en public à dater du 7 juin 1942, sans porter cet insigne cousu solidement et de façon apparente sur le vêtement du côté gauche de la poitrine (liste de Gujan-Mestras).